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Le blog de Laurent Bisault

On l’appelait Maïco, Yseult Williams, Éditions Grasset

Mai 31, 2022 #Grasset

C’est le portrait d’une maîtresse femme que nous offre Yseult Williams. Celui de Marie-Claude Vaillant Couturier qui passa sa vie à défendre son idéal d’égalité entre les hommes. Cela la mena à adhérer au parti communiste français, elle qui était née dans une famille bourgeoise où l’on fréquentait davantage les artistes que les ouvriers. On peinerait à trouver des traces d’idéologie chez celle qui travailla comme reporter-photographe, un métier réservé aux hommes. Marie-Claude voulait vivre pleinement, y compris son amour avec Paul Vaillant-Couturier, âgé de vingt ans de plus qu’elle, marié et guère fidèle avec les femmes. Elle défendit le régime soviétique en dépit de ce qu’elle avait pu constater sur place. Mais celle qu’on appelait Maïco est surtout rentrée dans l’histoire pour l’incroyable courage dont elle fit preuve dans la Résistance, et dans les camps d’Auschwitz et de Ravensbruck où elle s’évertua à sauver celles qu’elle pouvait sauver. De retour en France, le général de Gaulle avait rendu hommage à cette combattante qui s’était battue jusqu’à la fin, en se révoltant quand les hommes relevant du service du travail obligatoire (STO) avaient été rapatriés avant les déportés. Elle fut ensuite l’unique femme qui témoigna des atrocités des Nazis au procès de Nuremberg. Elle venait d’être élue députée, au moment où les femmes françaises avaient obtenu le droit de vote, et ne dévia plus de ses convictions jusqu’à sa mort.

Maïco est belle, très belle, d’une beauté suédoise comme sa grand-mère Ida de Brunhoff

Marie-Claude Vogel naît en 1912 dans une famille aisée. Elle hérite de son grand-père maternel, l’éditeur Maurice de Brunhoff, la passion de tout ce qui vient de Russie. Mais dans la famille de Brunhoff c’est Jean, fils de Maurice et oncle de Marie-Claude, qui décrochera la postérité en créant le personnage de Babar. L’édition c’est vraiment l’ADN de Marie-Claude puisque son père Lucien Vogel dirige la version française de Vogue, il est marxiste et fan de l’Union soviétique. Marie-Claude côtoie pendant son enfance de nombreux artistes invités dans les dîners de ses parents, Max Jacob, André Gide ou Philippe Soupault. Chez les Vogel en dehors de Lucien tout le monde a un surnom. « Co » pour Cosette de Brunhoff la femme de Lucien, « Nicky » pour leur fils Nicolas, « Pitch » et « Maïco » pour leurs filles Nadine et Marie-Claude. Maïco est belle, très belle, d’une beauté suédoise comme sa grand-mère Ida de Brunhoff. Elle grandit dans un environnement aisé, hôtel particulier rue Bonaparte, maison de campagne dans un ancien pavillon de chasse de Louis XVI à Saint-Germain-en-Laye. La famille n’est pas pour autant riche car rien ne leur appartient. Quand Maïco bachote c’est en compagnie de son précepteur. Elle est reconnue pour son intelligence avec toutefois une orthographe calamiteuse. Son premier bac en poche Maïco part en 1930 avec son amie Irène apprendre l’allemand à Dresde. Elles se retrouvent en pension et étudient davantage la religion que l’histoire en compagnie de jeunes filles nobles, avec en plus un régime alimentaire spartiate. Première révolte d’importance pour Maïco qui convainc ses condisciples d’alerter leurs parents. Quelques mois après l’établissement ferme. Elle en profite pour intégrer les Beaux-Arts à Berlin en résidant dans la famille allemande de son père.

Elle y gagne une seule chose : entrer au service photo de L’Humanité où les femmes ne sont pas les bienvenues

La misère est partout, Berlin est devenu La Mecque de la prostitution, la ville où les chômeurs se suicident entourés d’affiches du parti national-socialiste. De retour à Paris Maïco assiste au départ de son père en Union soviétique lors d’un voyage pour le magazine Vu qui publie les plus grands photographes du moment. En 1933 elle l’accompagne à Berlin quand il projette d’interviewer Hitler, mais n’y parvient pas. Maïco repart la même année en Allemagne munie de son Rolleiflex car elle travaille désormais comme photographe. Elle constate les exactions du parti nazi contre les Juifs et les communistes qui disparaissent du jour au lendemain. Maïco ramène à Paris les premières photos du camp de Dachau, les murs d’enceinte, les barbelés, les détenus en pyjama rayé. C’est à son retour qu’elle devient la maîtresse de Paul Vaillant-Couturier dirigeant du parti communiste français. Il a vingt ans de plus qu’elle, il est marié avec Ida une Américaine. Lucien s’y oppose, alors Maïco quitte le domicile familial. C’est le moment pour elle de s’initier au marxisme qu’elle a jusque là ignoré. Elle n’imagine même pas que puisse exister des désaccords entre Staline et Trotsky. Chez Vu Maïco fréquente la nouvelle génération des photographes, Henri Cartier-Bresson, un jeune Hongrois qui ne s’appelle pas encore Robert Capa, et couvre avec eux la victoire du Front populaire. Maïco affronte les révélations sur la réalité de l’Urss, les procès de Moscou au côté du parti communiste français : la dictature est un mal nécessaire et l’avenir s’annonce radieux à l’Est. En octobre 1937 douze jours après avoir épousé Maïco, Paul Vaillant-Couturier meurt. Elle y gagne une seule chose : entrer au service photo de L’Humanité où les femmes ne sont pas les bienvenues. 1937 : premier voyage en Union soviétique. Tout y est laid, les visages sont tristes mais il ne faut pas le dénoncer. La situation est transitoire car le pays vient de loin. Pourtant elle a le temps de prendre conscience du désastre car elle y reste six mois. Revenue en France Maïco se met en ménage avec Pierre Villon le responsable de la propagande du comité central. Après en avoir obtenu l’autorisation de Maurice Thorez !

Elle rentre en France en héroïne et est élue députée

Elle rentre rapidement dans la Résistance après l’arrivée des Allemands, ce qui lui vaut d’être arrêtée en février 1942 et déportée à Auschwitz-Birkenau un an plus tard. Elle survit au typhus, bénéficie de l’entraide du réseau communiste du camp, organise la répartition de la nourriture. En août 1944 les survivantes françaises de son convoi sont envoyées à Ravensbrück alors que Maïco prépare son évasion. En avril 1945 quand les Allemands désertent le camp, elle prend en main son organisation. Elle rentre en France en héroïne et est élue députée. On lui demande de témoigner au procès de Nuremberg. Elle accepte à la seule condition de faire l’aller-retour dans la journée. Maïco ne veut plus dormir en terre allemande. Devant le tribunal elle raconte longuement ce qu’elle a vécu, les abominations des camps, elle explique la différence entre Auschwitz camp d’extermination et Ravensbrück où les Nazis faisaient mourir les détenus au travail. Quand Viktor Kravtchenko publie un livre pour dénoncer le système concentrationnaire soviétique Maïco prend, avec d’autres intellectuels comme Sartre, la défense du régime communiste. Elle le fait aussi devant un tribunal quand Les lettres françaises, publication du PCF, est condamnée pour diffamation contre David Rousset. Marie-Claude Vaillant-Couturier décède en octobre 1996. Dans sa circonscription celui qui lui a succédé est un certain Georges Marchais.

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