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Le blog de Laurent Bisault

Nul ennemi comme un frère, Frédéric Paulin, Éditions Agullo

Sep 2, 2024 #Agullo

Beyrouth 13 avril 1975. Pierre Gemayel 70 ans, le chef chrétien qui s’est levé il y a bien longtemps pour défendre le Liban, arrive dans une église. Aujourd’hui ses ennemis sont les Palestiniens du Front de libération de la Palestine (FPLP) qui, expulsés de Jordanie et chassés par les Israéliens, voudraient s’emparer du pays. Surgit alors une Fiat dont les occupants tirent et tuent un membre du service d’ordre. Et quand peu après un bus se rapproche les milices chrétiennes ouvrent le feu. Bilan vingt-deux morts palestiniens et chiites, homme, femmes, enfants. Pour Kamal Joumblatt le chef druze c’est une déclaration de guerre, et la guerre il compte bien la faire aux Chrétiens pour mettre fin à la position privilégiée qu’ils occupent au Liban. Yasser Arafat le leader palestinien lui aussi réplique en ordonnant à ses fedayin de se venger. Abdul Rasool al-Amine appartient au Mouvement des déshérités qui s’est élevé en premier contre l’oppression des Chiites, une communauté libanaise nombreuse avec un poids politique nul. Chez eux nombreux sont ceux qui souhaitent se coaliser avec les Palestiniens au nom du panarabisme. Mais aujourd’hui ce qui compte pour al-Amine c’est de récupérer son fils qui a été enlevé par les Phalanges chrétiennes. Philippe Kellermann est conseiller politique à l’ambassade de France de Beyrouth. Il a grandi dans ce pays, ses parents aussi. Kellermann se souvient du temps où Chrétiens, Juifs, Musulmans étudiaient et riaient ensemble. À cette époque les Libanais pensaient que leur pays était la « Suisse du Moyen-Orient ». Ce temps est révolu la guerre civile vient de débuter. Elle va plonger le pays dans la désolation et la folie et les frères d’hier seront les ennemis de demain. Loin de se limiter au Liban le conflit sera nourri par la Syrie, Israël, l’Iran et les mouvements palestiniens. Il s’étendra même beaucoup plus loin, jusqu’au territoire de l’ancien colonisateur français.

La ville n’est plus que ruines, les Beyrouthins se terrent pour survivre, la drogue circule comme jamais

Ce premier des trois volumes consacrés à la guerre civile libanaise est une réussite exceptionnelle. Il couvre la période 1975-1983 et Frédéric Paulin y a mis tout son savoir en s’appuyant sur une documentation incroyablement riche et une aptitude peu commune pour passionner ses lecteurs. Exactement ce qu’il avait fait dans sa « Trilogie Benlazar » consacrée à la décennie noire algérienne. En lisant Nul ennemi comme un frère on voit défiler huit années de guerre civile comme filmées caméra à l’épaule. Frédéric Paulin introduit des personnages pour mieux nous la faire comprendre. Ce sont des Chrétiens maronites, des Chiites libanais, des militaires, policiers et des juges français. Pendant les 480 pages de ce premier opus ils participent, déclenchent ou subissent d’innombrables attentats et assassinats. On assiste à leurs côtés aux massacres de Sabra et Chatila perpétrés par les milices chrétiennes avec la complicité de l’armée israélienne. À l’assassinat de Louis Delamare l’ambassadeur français à Beyrouth devant des soldats syriens impassibles. La ville n’est plus que ruines, les Beyrouthins se terrent pour survivre, la drogue circule comme jamais parce qu’elle finance la guerre. Et ce n’est encore rien car avec la montée en puissance des milices chiites les attentats suicides font leur apparition. En France Mitterrand accède au pouvoir, il se veut un ami des Palestiniens. Mais qui défend Arafat déclenche la colère d’autres factions et de pays qui tirent les ficelles de jeux macabres. Alors quand en plus la France refuse de payer une dette d’un milliard de dollars à l’Iran conclue du temps du Shah, il est certain que les Iraniens ne l’oublieront pas.

Qu’en dit Bibliosurf ?
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