Elles constituaient ma bible, mais sans curés, rabbins ni imams. Grâce à elles les mercredis furent pour moi pendant des années des jours à part jusqu’à l’attentat du 7 janvier 2015. Les chroniques d’Oncle Bernard dans Charlie Hebdo étaient ma première motivation d’achat du journal à égalité avec les dessins de Charb et de Cabu. Parfois les deux plaisirs se mêlaient car les textes de l’alter ego de Bernard Maris étaient toujours illustrés. Il est même arrivé que les talents de l’économiste et d’un des dessinateurs se rejoignent pour raconter une de mes études. C’était une histoire de cochons qui partaient trois mois loin de leur propriétaire pour contourner la réglementation sur l’environnement. Maris la résuma en une affaire de « caca trimestriel » avant d’enchaîner par « Pendant ce temps, on bouffe du jambon ». Ce jour-là je m’étais répandu dans les couloirs de mon service pour le faire savoir. Bernard Maris est devenu célèbre autant par sa capacité à faire comprendre l’économie que par sa manière d’écrire faite de dérision et d’humour. Il avait aussi un immense savoir académique qui lui permettait de parler de la théorie des jeux, de Walras, de Keynes ou de Marx (ici). Maris tenait Keynes pour le plus grand génie de la finance qui exista sur Terre parce qu’il expliqua la Bourse par les phénomènes de foule. Et surtout pas par la « loi de l’offre et de la demande », « La loi la plus fausse du magasin des inepties économiques ». Maris rappelait la théorie de la valeur du grand barbu : « Relisez Marx les gars ».
T’inquiète Amélie on pourra mettre les mioches à Stanislas
Contrairement à la quasi-totalité des économistes Bernard Maris ne tournait pas autour du pot. Il méprisait Michel Camdessus ancien chef du FMI et membre de L’Opus Dei. Il disait de ce personnage qu’il ne croyait qu’à deux choses, « la souffrance et le marché », et qu’il avait été « la plus grande calamité qui se soit abattue sur l’Afrique depuis les plaies bibliques ». L’économiste toulousain dézinguait les banquiers, Charles Milhaud (ici) de la Caisse d’Épargne et Philippe Dupont des Banques populaires ayant été selon lui les plus nuls. Ces gens-là avaient foutu le feu à la planète, avaient recapitalisé « leur » entreprise avec des fonds publics, et se gavaient. Frédéric Oudéa qui succéda à Daniel Bouton à la tête de la Société générale était un des mieux payés. T’inquiète Amélie on pourra mettre les mioches à Stanislas. Bernard Maris a passé son temps à dénoncer la financiarisation de l’économie qui a permis à un grand nombre de profiteurs de pomper les richesses. Il expliquait que la Bourse ne finançait pas l’économie, qu’elle détruisait du capital via les rachats d’actions. Que seuls les nigauds et les menteurs croyaient le contraire. Qu’à côté de la lutte des classes il y avait celles des créanciers et des débiteurs qui avaient tué l’industrie et fait exploser les inégalités.
C’était pour satisfaire les détenteurs du capital qu’il fallait baisser la dépense publique
Pas plus que les autres Bernard Maris n’avait annoncé la crise économique de 2008. Mais celui qui avait défini sa profession comme celle « des guignols toujours capables d’expliquer après coup ce qu’ils n’avaient jamais pu prévoir » avait compris la transformation en cours. C’était pour satisfaire les détenteurs du capital qu’il fallait baisser la dépense publique. Eux et leurs serviteurs le méritaient-ils? Absolument pas. Zidane était unique mais les banquiers et les autres financiers n’étaient que des parasites. Alors qu’aujourd’hui on nous explique que l’endettement de la France serait dû à des années de gabegie, pensez-vous pas un budget équilibré depuis Barre !, il est bon de lire ou relire que nous avons collectivement payé pour la crise de 2008. Que le passage d’un endettement de 60 % du Pib à 100 % n’est nullement dû à des retraites trop généreuses ou à un trop grand nombre de fonctionnaires. Mais uniquement à la folie des marchés financiers qui a été encouragée par à peu près tous les gouvernements depuis 1983. Ceux qui se disaient de « gauche » dont le pire fut sans doute celui de Bérégovoy et les autres qui assumaient être de droite. Et il faudrait recommencer toujours au profit des mêmes ?
Les profits montent, les Bourses baissent (mars 2007)
La crise des subprimes que l’on peut approfondir ici n’a pas encore éclaté. Ce sera quatre mois plus tard mais déjà Maris explique que ça ne sent pas bon. Nouveau record de profits pour les entreprises du CAC 40 et on s’attend à ce que ça continue. Pourtant elles ne créent pas d’emplois ni n’investissent. Elles balancent leur cash sur le marché en devenant prêteuses. On devrait au moins assister à une hausse des cours mais ils baissent. La faute au marché immobilier américain qui menace de s’effondrer. Les ménages surendettés ont acheté avec des prêts hypothécaires qui exigent que le prix des logements montent pour être remboursés. Encore faudrait-il que les propriétaires ne soient pas emportés par l’envolée du coût des crédits à taux variables. La Banque Lehman Brothers, déjà elle, s’inquiète. Mais nous dit Maris en cas de crise l’État finira par payer.
Préparer les Français à se faire dépouiller (avril 2008)
Raté. La loi Tepa (travail emploi et pouvoir d’achat) devait booster la croissance. Elle a dopé les revenus des riches, ce qui était son véritable objectif, et augmenté les heures sup de ceux qui bossaient déjà. Résultat davantage de déficits des finances publiques et un endettement à 67 % du Pib. Merci Christine Lagarde. Est-ce la faillite comme le prétend Fillon ? Pas du tout, d’ailleurs l’endettement public est plus élevé en Italie et au Japon, deux pays qui ne se portent pas si mal. La France est également mieux placée que les États-Unis et que la Grande-Bretagne où les dettes privées sont bien plus élevées. Chez nous l’actif de l’État est supérieur à son passif et c’est ça qui compte. Alors pourquoi Fillon beugle-t-il ? Parce qu’il prépare l’opinion à des coupes budgétaires dans l’Éducation nationale, à la privatisation d’EDF, et à la vente de terrains et d’hôpitaux comme il l’a déjà fait avec les autoroutes. C’est lui qui nous ruine.
Les pauvres aideront les pauvres (Janvier 2009)
Avec la récession l’impôt ne rentre plus et les déficits se creusent. Faut-il toucher aux cadeaux fiscaux offerts depuis cinq ans, bouclier fiscal, allègements de l’ISF, loi Tepa ? Surtout pas ! Pourtant le pouvoir d’achat plonge et les grosses entreprises licencient pour améliorer leur rentabilité. « Pas de démagogie s’il vous plaît » répond le ministre Devedjian qui ajoute : « Mieux vaut des entreprises avec du cash et rentables que sans cash et pas rentables ! ». « Et tout le monde se tut, émerveillé de tant de sagesse ».
Le retour du banquier (novembre 2009)
France Inter, rencontre de Georges Pauget le patron du Crédit agricole qui a pris une bonne claque avec les subprimes. Non dit-il pas avec les subprimes. Certes, avec AIG la boîte qui assurait les subprimes achetées par le Crédit agricole. « Mais qui aurait pu imaginer qu’AIG vendait des actifs toxiques » demande Dominique Seux. « Et qui aurait pu prévoir que Lehman vendait de la daube ? Un peu comme si Mercedes vendait des voitures avec, sous le capot, des moteurs de 2CV. Le moindre con soulève le capot de la voiture qu’il achète. Pas les banquiers trop heureux de bouffer de l’argent à s’en faire péter la sous-ventrière ».
1 500 milliards d’euros de dettes, et alors ?
Qui va payer la dette ? Et pourquoi la payer ? La dette c’est de l’argent qu’on doit aux riches, les fonds de pension, les épargnants qui placent leur trop plein, ceux qui espèrent faire de l’argent sans travailler. Le meilleur moyen pour ne pas la payer c’est l’inflation. Un petit coup d’inflation avec des salaires indexés, et on devra beaucoup moins. Oui mais si on taxe les rentiers ils vont partir. Qu’ils partent ! De toute façon ils sont stériles voire nuisibles ! Et aussi surtaxer les banques. Oui mais elles vont partir. Qu’elles se barrent ! De toute façon les déposants des Banques populaires n’ont aucune envie de se faire à nouveau cocufier par Natixis. Surtaxer aussi les banquiers. Dernière mesure pour rembourser la dette, en finir avec les aides stupides aux entreprises. Ça coûte une blinde, c’est payé par l’État pour à la fin supprimer des emplois de fonctionnaires.
Vous pourriez aussi apprécier
Abonnez-vous pour être averti des nouvelles chroniques !