Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Une époque en or, Titiou Lecoq, Éditions L’Iconoclaste

Avr 11, 2024 #L'Iconoclaste

Difficile de résumer mes sentiments à la fin de la lecture de ce troisième roman de Titiou Lecoq tant il m’a fait passer par des états contradictoires. Le plaisir de retrouver une autrice dont j’ai déjà parlé avec joie sur ce blog, le sentiment de ne pas être à ma place en suivant une chasse au trésor, et à la fin une profonde émotion. Petite présentation de la dame pour commencer. Titiou Lecoq est une jeune femme connue pour ses écrits féministes qui commença sa vie professionnelle comme journaliste. J’avais beaucoup aimé son premier roman Les Morues lu avant la création de Surbooké et que vous ne trouverez donc pas ici. Vous pourrez par contre lire ma chronique enthousiaste du suivant, La théorie de la tartine, une histoire d’amitié à l’époque où on commençait à comprendre les dangers d’Internet. Et que dire de sa biographie de Balzac, Honoré et moi , un bouquin totalement improbable qui fut très justement primé. Rendre contemporain une sommité littéraire du XIX° n’est pas donné à tout le monde ! Depuis Titiou Lecoq nous parle surtout de la dureté de la vie des femmes, des féminicides, de l’argent dont elles sont privées au sein des couples, de leur charge mentale qui les amènent à être les seules à utiliser les balais à chiottes comme si les hommes ne parvenaient pas à briser « un sol de verre » (voir Libérées).

Chloé a pourtant fait au moins autant d’études que son compagnon

Une époque en or est un peu tout cela à la fois car Titiou Lecoq y a mis beaucoup de ce qui constitue sa vie. Ses angoisses devant le changement climatique, la vie en couple, l’éducation des enfants dont elle parle souvent sur son compte Instagram. Elle y a récemment expliqué avoir proposé au plus âgé de ses fils de partir avec lui un week-end dans un lieu de son choix. Chloé Berthoul sa nouvelle héroïne est une trentenaire ordinaire, taille moyenne, poids moyen, cheveux châtains, qui habite à Gabarny une ville moyenne. Aucun signe distinctif sinon sa fréquentation des Belles-Mères anonymes (BMA), un groupe d’aide et d’écoute car Chloé en plus de Greg son compagnon a un fils de dix ans Raoul et surtout une belle-fille de neuf ans Colette. Chloë a conscience de l’inégale répartition des tâches au sein de son foyer. C’est elle qui s’occupe le plus souvent des petits malgré les difficultés rencontrées avec Colette qui la font culpabiliser. Il est vrai que Greg dispose officiellement de moins de temps car il gère un bar. On ne peut pas tout faire dans la vie : s’occuper des poivrots, se taper les courses et aller voir les profs à l’école. Chloë a pourtant fait au moins autant d’études que son compagnon. Titulaire d’un master de linguistique, elle s’occupe de la communication d’entreprises, un boulot qu’elle qualifie de moins plaisant que de manger du chocolat mais compatible avec un travail à domicile, et apte à remplir son compte en banque. Cela donne une femme qui peine à sortir de sa dépression léthargique et qui ne se plaint jamais. Arrive alors un événement imprévu qui amène Chloé à devenir « La Lucien de Rubempré de la chasse au trésor » en compagnie de ses enfants et d’un jeune voisin. Balzac un jour, Balzac toujours !

Il y a de toute façon tant de choses qui vous accrochent dans ce livre

Sans trop spoiler, Une époque en or est en grande partie consacrée aux violences infligées aux enfants. Le sujet apparaît quand Chloé découvre un jeune voisin dans sa cage d’escalier qui attend que ça se calme chez lui pour réintégrer son domicile. C’est avec Lapouta, Colette et Raoul que Chloé va partir à la recherche d’un mystérieux héritage familial qu’elle espère utiliser pour acheter une maison à la campagne. Un refuge où elle compte vivre pour échapper aux affres du futur. Ce n’est pas la partie du roman à laquelle j’ai le plus adhéré. Mais peu importe, vous vous forgerez votre opinion. Il y a de toute façon tant de choses qui vous accrochent dans ce livre. En tête de liste Mouche l’inénarrable grand-mère qui ne se laisse pas faire. L’ancienne proviseure du lycée est davantage crainte qu’aimée par sa descendance au point que ses deux petites filles la traitent de salope. On comprend au fil de la lecture que la retraitée pourrait avancer quelques excuses à son comportement. Notamment un viol conjugal, un sujet déjà traité par Titiou Lecoq dans sa biographie de Balzac. Ce qui est certain c’est qu’on termine le livre avec beaucoup d’empathie pour les personnages.

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