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Le blog de Laurent Bisault

Rares ceux qui échappèrent à la guerre, Frédéric Paulin, Éditions Agullo

Juin 4, 2025 #Agullo

Vingt-trois octobre 1983. Quand François de Grossouvre proche de François Mitterrand annonce à Philippe Kellermann qu’un attentat vient d’avoir lieu à Beyrouth contre le poste Drakkar, le ciel lui tombe sur la tête. Car ce conseiller spécial à l’Élysée a un fils lieutenant parachutiste dans la capitale libanaise. Certes Romain Kellermann ne figure pas sur la liste des morts, mais on n’a pas fini de fouiller le bâtiment. Quand François Mitterrand atterrit le lendemain à Beyrouth pour une visite de quelques heures, il a devant lui un bilan dramatique avec près de soixante morts. Un mouvement de la révolution islamique a revendiqué la tuerie, et les Français soupçonnent qu’il soit aux ordres des Iraniens ou des Syriens. Pour punir la France de son soutien à l’Irak ou pour s’emparer du pays. Ce pourrait aussi être les Libyens que l’armée française combat au Tchad. Mitterrand exige une réponse armée immédiate. Le commandant Christian Dixneuf de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) sait que c’est une connerie. Il leur faudrait des mois pour bien la préparer. Pire il perçoit que l’attentat contre le Drakkar ne constitue pas la fin d’une histoire. Elle est pour lui le début d’une nouvelle ère dont personne ne sait où elle aboutira. Au sein du Hezbollah le mouvement chiite libanais, Zia al-Faqîh a reçu les félicitations de l’imam Khomeini. Quand Dixneuf l’apprend il promet à Kellermann de venger son fils Romain. Ça prendra du temps. En attendant les premières actions des forces françaises échouent, sans doute balancées en interne.

Ce nouvel opus est celui de l’internationalisation du conflit

Frédéric Paulin est unique. Nul autre n’est capable comme lui de raconter l’histoire sous forme de roman policier. Et qu’on ne s’y trompe pas, si l’écrivain introduit dans ses récits des personnages de fiction, c’est pour mieux nous faire comprendre la véritable histoire. Il le prouve une fois de plus dans ce second tome de sa trilogie consacrée à la guerre civile libanaise. Si Nul ennemi comme un frère se déroulait essentiellement à Beyrouth, ce nouvel opus est celui de l’internationalisation du conflit. Au-delà des combats entre chrétiens, sunnites, chiites, druzes et palestiniens, la guerre s’impose sur le territoire français. C’est le choix des chiites qui pratiquent le djihad contre les occidentaux, et des Iraniens qui règlent leurs comptes contre les pays qui soutiennent l’Irak. Pour une fois les Syriens sont plutôt en retrait, bien qu’ils n’aient pas renoncé à dominer cette partie du Levant. Mais cette présentation est encore trop simpliste pour coller à la réalité. Car à l’intérieur des factions libanaises, et même de l’Iran, le pouvoir est loin d’être uniforme. Au Liban les chiites se font la guerre entre eux, et s’ils sont théoriquement affiliés aux Perses, ils défendent également leurs intérêts particuliers. Même constat au sein de l’État iranien ou les gardiens de la révolution sont plus puissants que les ministres.

Où et avec qui négocier ?

Face à ces menaces les Français sont loin d’être unis. Entre la guerre des services secrets civils et militaires, la cellule antiterroriste de l’Élysée, les meurtres d’Action directe, et la volonté des chiraquiens de reprendre le pouvoir aux socialistes, tout est en place pour que ça dégénère. Et c’est ce qui arrive quand les bombes explosent dans les grands magasins et les trains. En théorie les revendications des Iraniens sont claires : acheter aux Français autant d’armes que ne le font les Irakiens, récupérer le milliard de dollars que leur doit Paris au titre des contrats signés avec Eurodif, et faire sortir leurs agents des prisons françaises. Certes mais où et avec qui négocier ? Alors les rapports entre occidentaux et Libanais empirent encore un peu plus à Beyrouth avec les premières prises d’otages. Les diplomates et les journalistes retenus par le Hezbollah seront des monnaies d’échange, d’autant mieux valorisées que certains décèdent en captivité et que les médias français comptent chaque jour la durée des détentions. Plus aucune règle n’est respectée dans cette guerre qui, loin d’être confessionnelle, est avant tout un conflit de territoires. Chaque clan espère en tirer parti. Après tant de morts au Liban, ceux qui ont émergé veulent se payer.

Qu’en dit Bibliosurf ?
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